Mois: octobre 2015

Quels liens établir entre liquidité et volatilité des marchés ?

La liquidité de marché est communément vue comme la « facilité » avec laquelle s’échangent les actifs sous-jacents de ce marché.

Elle peut être mesurée par :

  • la profondeur de marché  (i.e. capacité de réaliser des transactions importantes sans affecter « excessivement » les prix)
  • l’étroitesse du marché (i.e. écart cours acheteur / cours vendeur)
  • la rapidité avec laquelle un ordre peut être exécuté
  • la résilience du marché (i.e. la rapidité avec laquelle les actifs retrouvent un prix « normal » après un choc exogène)

Ainsi, dans la fiction théorique d’un marché parfaitement liquide, les actifs pourraient s’échanger sans coût, sans délai et sans incidence sur les prix.

Parler de volatilité d’un marché, c’est étudier l’importance des fluctuations de valeur des actifs sous-jacents. C’est donc s’intéresser au risque qui leur est associé. Un actif sera donc naturellement considéré volatil si les variations journalières de son prix sont très dispersées autour de sa moyenne. Mathématiquement, la volatilité d’un actif A sur une période T est ainsi l’écart-type de la rentabilité journalière de A sur la durée T.

On peut donc penser que la liquidité d’un marché, en permettant de réduire l’incidence des ordres acheteurs et vendeurs sur les prix, est négativement et significativement corrélée à la volatilité de ce marché. A titre d’exemple, ce postulat (et les observations empiriques qui en découlent) justifie la promotion par l’AMF de la tenue de marché pour les faibles capitalisations boursières.

Au niveau macroéconomique, l’effet de la liquidité sur la volatilité des prix des actifs financiers est plus complexe. La période récente est intéressante en cela qu’elle permet d’observer les effets d’un excès de liquidité (permis par les politiques monétaires expansionnistes de nombre de Banques Centrales) sur les prix, tant sur les actions que pour le crédit.

3 graphiques sont particulièrement intéressants à étudier :

(a) l’évolution de la base monétaire aux Etats-Unis et dans la Zone euro
(b) l’évolution des spreads de crédit (HY et IG) aux Etats-Unis et dans la Zone euro
(c) l’évolution de la volatilité implicité des actions aux Etats-Unis et dans la Zone euro

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(a)

base monetaire

(b)

spreads credit

(c)

volatilite

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On observe en effet deux effets possibles d’une abondance de liquidité :

1) Un excès de liquidité peut permettre une « stabilisation » des cours

– Entre 2010 et 2014 (à l’exception de 2011, avec l’éclatement de la crise des dettes souveraines en Europe) : période de variabilité faible des cours boursiers et des spreads de crédit.

– Explication possible : report des investissements des actifs sans risque (dont les rendements ont été écrasés par les politiques accomodantes des Banques Centrales, comme en témoigne l’évolution des taux à 10 ans sur les emprunts d’Etat aux US et en Allemagne) vers les actifs risqués. Ce report massif fait monter et stabilise le prix de ces actifs.

2) Un excès de liquidité peut accroître la volatilité

– Depuis la fin de 2014, la variabilité des cours boursiers et des spreads de crédit repart à la hausse.

– Explication possible : la liquidité abondante augmente la taille des flux de capitaux qui entrent et sortent des classes d’actifs.

Conclusion

Deux types de régimes paraissent caractériser la relation entre liquidité et volatilité. D’une part, l’abondance de liquidité peut « écraser » la volatilité du marché (2010-2014) ; d’autre part, une même abondance de liquidité peut avoir des effets déstabilisants sur le marché (fin 2014-aujourd’hui).

La variable explicative de ce changement de régime est sans doute le risque perçu par les intervenants du marché. Selon que ce risque augmente ou diminue, la liquidité sera un facteur de stabilisation ou de hausse de variabilité pour les prix des actifs.

 

Avec Recherche Economique Natixis n°806