Mois: avril 2016

Les investissements sous contraintes des institutionnels français

Les investisseurs institutionnels sont des organismes financiers qui, par leur nature ou leurs statuts, sont tenus de placer une grande partie de ressources qu’ils collectent en instruments financiers.

Leur rôle en tant qu’intermédiaires financiers et leur impact sur les stratégies d’investissement se sont accrus de façon significative au cours des dernières années avec la déréglementation et la mondialisation des marchés financiers.

Ils ont en commun une structure de bilan relativement similaire : un portefeuille diversifié d’actifs (principalement d’actifs financiers négociables), tandis que leur passif se compose d’engagements non négociables (i.e. parts d’OPC, réserves d’assurances, réserves de fonds de pension.)

Typologie des investisseurs institutionnels:

  • Sociétés d’investissement
  • Fonds de pension
  • Fonds souverains
  • Fondations et Fonds de dotation
  • Assureurs

Cartographie des principaux investisseurs institutionnels français:

liste instit

Les investisseurs institutionnels français, dont les assureurs représentent 85 %, gèrent environ EUR 2 500 bn à fin 2014.

Détail de leurs encours et de leur allocation infra :

annexe

Exemple de portefeuille d’institutionnel: FRR au 31/12/2014

  • D’une part, des mandats indiciels de montant unitaire important, d’autre part des mandats de gestion active concentrés sur des segments de marché délivrant un alpha peristant et adapté au profil d’un investisseur de long terme.
  • « Le FRR privilégie les mandats de gestion comme support d’investissement, ces derniers permettant une totale personnalisation des univers et contraintes d’investissement, du reporting ainsi que des coûts maîtrisés. Le Fonds investit également via des fonds ouverts, notamment pour augmenter la flexibilité de sa gestion. »

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Un contexte de taux d’intérêt faibles

  • Depuis la fin des années 70, la baisse quasi continue des taux d’intérêts a permis aux institutionnels qui investissaient dans des emprunts d’Etats ou d’entreprises de bonne qualité d’obtenir chaque année des performances positives et peu volatiles
  • La faiblesse actuelle (et susceptible de s’installer) des taux d’intérêt des dettes souveraines classiques oblige les investisseurs institutionnels à modifier leur allocation d’actifs afin de limiter / contrer la baisse de leurs rendement

Recherche de rendement supplémentaire: modification de l’allocation d’actifs

  • Obligations: qualité de crédit des titres plus faible, allongement de la maturité des titres , élargissement des portefeuilles aux émetteurs hors Eurozone
  • Plus grande pondération de classes d’actifs à moindre liquidité: dette d’infrastructures, immobilier non coté, private equity
  • Renforcement des stratégies ESG : la prise en compte de facteurs extra-financiers  peut représenter à la fois une source de performance et une manière de réduire le risque.

Contraintes réglementaires liées à Solvency II

  • Minimisation de la consommation de fonds propres

L’allocation d’actifs reposait auparavant sur le rendement et le risque. Avec Solvency II s’ajoute la nécessité de minimiser la consommation de fonds propres.

Solvency II impose aux assureurs/mutuelles de satisfaire de nouveaux critères prudentiels. Le niveau de fonds propres des assureurs doit leur permettre de faire face à l’ensemble des risques auxquels ils sont exposés : le risque assurantiel, le risque opérationnel, le risque de contrepartie et le risque de marché.

L’ensemble de ces risques est mesuré par le SCR (Solvency Capital Requirement), correspondant à « l’agrégation » des SCR souscription, SCR opérationnel, SCR contrepartie et SCR marché (le SCR marché comporte lui-même différentes composantes, selon le type de placements des organismes : risque sur les actions, sur l’immobilier, sur les obligations, etc.).

Le SCR (Solvency Capital Requirement) est calibré pour correspondre aux fonds propres nécessaires à l’assureur pour faire face à ses engagements à un horizon 1 an avec un seuil de confiance de 99,5% (soit une probabilité de ruine susceptible de se produire environ une fois tous les deux cents ans.)

Conséquences: augmentation du coût en capital de la détention d’actifs risqués tels que les actions.

Focus sur le SCR de marché :

Le besoin en capital du module marché est calculé à partir de 6 sous-modules correspondants aux facteurs de risque de marché identifiés par le CEIOPS (Committee of European Insurance and Occupational Pensions Supervisors) :

Taux : quantifier le besoin en capital nécessaire pour faire face à l’impact d’une évolution de la structure de la courbe des taux (à la hausse ou la baisse) sur la valeur du bilan.
Actions : quantifier l’impact de la baisse des marchés actions sur la valeur du bilan.
Immobilier : quantifier l’impact de la baisse des marchés immobiliers sur la valeur des actifs.
Crédit : quantifier le besoin en capital correspondant au risque d’une évolution à la hausse (ou à la baisse pour le CDS) des spreads de crédit (écart entre le taux actuariel d’un produit de taux et le taux sans risque de la devise du titre).
Concentration : quantifier le besoin en capital correspondant à un manque de diversification ou à une surexposition au risque de défaut d’un même émetteur
Change : quantifier le besoin en capital correspondant à la perte générée par l’effet de change sur la valeur des actifs.

A chacun de ces modules correspond un choc (un ou plusieurs scénarios) qui est appliqué à la fois aux actifs et aux passifs de l’institution (l’assureur/mutuelle) concernée.

 

  • Transparence accrue

Pour bien évaluer le niveau de capital requis, de nombreuses données doivent être collectées pour être ensuite transmises aux régulateurs. Ainsi, les investisseurs institutionnels type assureurs/mutuelles doivent communiquer périodiquement des vues synthétiques et détaillées de leurs actifs aux régulateurs. Ces vues incluent les noms des émetteurs des actifs qu’elles détiennent, leur notation, la notation du groupe auquel chaque émetteur, …

Chaque OPCVM doit être « transparisé » (i.e. chaque ligne du portefeuille doit être détaillée), sans quoi les fonds seraient alors considérés comme étant placés en actions non cotées, soit le placement qui nécessite de provisionner le plus de fonds propres.

Conséquence : montants nominaux plus importants par ligne de portefeuille, sélection de sociétés de gestion à même de piloter efficacement le SCR de marché et capables de fournir rapidement et de manière fiable les données transparisées.

 

Sources :

Investisseurs institutionnels : Un secteur en recomposition, Option Finance, mars 2015

Gestion : les institutionnels en quête d’actifs réels, Les Echos, janvier 2016
 
Bouyé Éric, « Allocation stratégique des actifs et gestion de l’investissement à long terme par les investisseurs institutionnels. », Revue d’économie financière 4/2012 (N° 108)

 « 2014 Global Institutional Investor » Survey, Natixis

Af2i, Association française des investisseurs institutionnels

fondsdereserve.fr

http://www.mutualite.fr/actualites/solvabilite-2-transparence-renforcee-pour-la-gestion-dactifs-des-mutuelles